La communauté du Sappel

Le Sappel est une communauté d’Église créée en 1989. Elle est reconnue comme association publique de fidèles par le diocèse de Lyon.

Elle s’inspire de la pensée du p. Joseph WRESINSKI, fondateur du Mouvement ATD Quart-Monde. Elle rassemble des familles très pauvres en situation d’exclusion sociale et des amis qui s’engagent avec elles.

La Communauté du Sappel a vocation d’annoncer la Bonne Nouvelle en Jésus-Christ à tous les hommes, à partir des plus pauvres. Par eux et avec eux, elle cherche à vivre la fraternité en Christ et à partager ce trésor en Église.

 

Sont développés ci-après les termes énoncés dans cette introduction :

Vous pouvez télécharger ci-dessous les documents de présentation de la communauté du Sappel :

Des Familles

Au Sappel, les personnes très pauvres en situation d’exclusion sociale, seules ou en familles, sont appelées « Familles du Quart-Monde ». En effet, la famille est le lieu d’origine, de la naissance de chacun. C’est le lieu du plus grand amour et des plus grandes blessures dès ce moment-là. C’est une constellation de relations où toute personne a une place définie, déclarée à l’État Civil dans l’ordre des générations. Nous utilisons aussi ce terme « famille » pour des personnes seules pour faire droit à cette profonde espérance, cette quête même, présente dans le cœur de tout être humain, de vivre des liens familiaux.

Les familles du Quart-Monde aspirent particulièrement à trouver, voire retrouver, des liens chaleureux et indestructibles. C’est pourquoi elles qualifient le Sappel de « ma famille » : elles s’y sentent accueillies inconditionnellement, en famille, en frères et sœurs. C’est la conscience de l’appartenance à une même humanité sauvée par le Christ qui lie solidement.

« Dans une famille on est réunis par les liens du sang. Ici nous sommes réunis par les liens de sang du Christ ». C’est la fraternité baptismale, « c’est un coin du Bon Dieu ».

Quart-Monde

« Le père Joseph croyait à tout ce qu’il faisait. Il y croyait tellement que ça faisait comme un fil qui raccommodait tout le monde. Tout le monde était décousu. Il raccommodait le lien. » (Sarah A.)

Le Mouvement ATD Quart Monde se bat depuis sa création pour une conviction : le combat contre la pauvreté doit se faire « avec » les pauvres et non pas « pour » les pauvres. Le mouvement nait en 1957 en France, au camp de Noisy-le-Grand, où venaient d’arriver quelques 300 familles démunies, rassemblées là par l’Abbé Pierre.

« Une intuition forte du p. Joseph Wresinski allait changer ce regard porté sur les pauvres : l’intuition de se trouver non face à des cas sociaux individuels, mais face à un peuple, avec une même manière de faire face aux manques, les mêmes angoisses d’expulsion et de placement des enfants, les mêmes expériences de sous-emplois et d’assistance.

 

Le seul moyen de lutter contre la misère est alors de rendre à ce peuple sa dignité, en rompant avec la fatalité de la transmission de la misère de père en fils et avec la croyance d’être les seuls responsables de cette situation : ‘Tous ceux qui ont vraiment fait avancer les pauvres, les ont libérés d’abord d’eux-mêmes. Ils leur ont rendu la dignité et la confiance en eux. Ils ont cru en eux et les ont convaincus qu’ils n’étaient pas coupables d’une misère que l’histoire leur avait léguée.’ »

Très vite, en rencontrant les familles de Noisy-le-Grand, le p. Joseph se promet de faire gravir à ce peuple les marches de l’Élysée, de L’ONU, du Vatican !

Pourtant, il était loin d’être évident de faire émerger cette notion de peuple ! Le p. Joseph écrit en 1983 :

« Nous ne connaissons guère la réalité du peuple sous-prolétaire, car il nous montre un visage trop ravagé et il nous est difficile d’établir avec lui des rapports de fraternité et de compréhension. Plus nous allons et plus nous nous enferrons, d’ailleurs, dans le refus de voir en lui un peuple. Reconnaître son existence reviendrait à nous reconnaître coupables. Nous faisons donc tout pour l’empêcher de se manifester comme un milieu. En fait, l’incapacité de le comprendre devient refus de le comprendre ; nous le nions. Au lieu de valoriser le milieu, d’en faire la rampe de départ d’une libération, au lieu de reconnaître ses valeurs et de les accepter comme elles sont vécues, nous prétendons protéger les familles de leurs semblables, les fractionnant en cas isolés. »

En 1980, il disait à un groupe de juristes, philosophes, volontaires :

« Pourtant, la réalité du Quart-Monde est universelle : les plus pauvres sont exclus dans tous les pays, dans toutes les civilisations du monde. Ils l’ont été à travers tous les âges. C’est la découverte qui a le plus marqué le Mouvement ATD : intuition d’abord, puis constat vérifié sans cesse par l’expérience, l’étude, la recherche.»

En leur temps, Marx et Engels définissaient les aïeux du Quart-Monde de notre temps comme le « Lumpenprolétariat » (prolétariat en haillon) : «masse nettement distincte du prolétariat industriel, pépinières de voleurs et de criminels de toute espèce, vivant des déchets de la société, individus sans métier avoué, rôdeurs, gens sans feu ni aveu.» Le p. Joseph Wrésinski commente ainsi: « Voilà une description de la misère que l’on retrouve dans la bouche des non-pauvres à toutes les époques et sur tous les continents

Et de la même façon à travers le monde, des réalités très différentes vont faire se regrouper les familles les plus pauvres et vont faire qu’un peuple va se constituer à partir de l’exclusion qu’il subit, et à partir de ce qu’il crée de résistance à cette exclusion en s’accueillant, en se regroupant et en développant, même sans l’expliciter, une pensée commune qui émerge quand on lui en donne l’occasion… « Ce n’est pas la situation commune qui crée le peuple. C’est la résistance à cette situation qui crée une reconnaissance à un destin commun, à la fois un repli de survie ensemble et une espérance inaudible, mais espérance quand même...».

Enfin, ce peuple du Quart-monde devrait pouvoir prendre petit à petit sa place au sein, au cœur du Peuple de Dieu, comme l’exigerait la vocation de nos communautés chrétiennes.

En juillet 2016, recevant à Rome le pèlerinage « Siloé », le Pape François recommandait de susciter autour des plus pauvres « une communauté, leur rendant de cette manière, une existence, une identité, une dignité

Sources :
1 OCDE Document : « Les dimensions cachées de la pauvreté »
2 « Les pauvres sont l’Église » p. 76 – Entretiens du P. J. Wresinski avec J. Anouil Le Centurion
3 « Refuser la misère » p. 174 Joseph Wrésinski – Textes rassemblés par J. Tonglet 2007
4 ibid
5 G. Bureau, volontaire ATD Quart-Monde

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Des amis qui s’engagent avec elles

À la suite du Christ qui nous dit : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jean 15:15), nous établissons avec les familles très pauvres en situation d’exclusion sociale une relation d’amitié fraternelle et évangélique. Ces amis s’engagent de différentes manières avec les familles.

Les Communautaires :

Les Communautaires s’engagent à vivre la Charte de la Communauté : engagement à la suite du Christ, en Église, auprès des Familles du Quart-Monde et en Communauté. Cet engagement peut s’expliciter brièvement à partir des 3 questions posées lors de l’engagement à vie dans la Communauté :

  • Acceptez-vous de lier votre vie au Christ qui n’a pas craint de porter lui-même sa croix. Il a pris la dernière place, celle du serviteur souffrant pour que chacun soit assuré de l’amour infini du Père. Il est vivant aujourd’hui, entraînant toute l’humanité dans la vie ?
  • Acceptez-vous de lier votre vie aux familles les plus pauvres que le Seigneur mettra sur votre route pour qu’elles deviennent comme le disait St Laurent « le trésor de l’Église », fondement d’une véritable fraternité en Christ, d’une Église pauvre et servante ?
  • Acceptez-vous de lier votre vie aux autres membres de la Communauté du Sappel pour partager la prière, la charge de la mission et la vie fraternelle. Vous serez ainsi amenés à  cheminer avec eux entre exigence et pardon,  vérité et amitié fraternelle sous la conduite de l’Esprit Saint ?

La Communauté accueille des couples mariés, des personnes seules, des célibataires consacrés pour des missions de contemplation ou apostolique, des diacres permanents, des prêtres…

Les Compagnons :

Les Compagnons s’engagent à :

  • Être porteurs et diffuser l’intuition du p. Joseph Wrésinski et du Sappel : les pauvres doivent être au cœur de l’Église et du monde,
  • Témoigner de ce qui se vit au Sappel : être ambassadeurs de la Communauté en faisant le lien avec leur vie de famille, leur quartier, leur paroisse, leur vie professionnelle et associative…
  • Vivre en fraternité par la prière et le partage de leurs missions respectives. La fraternité permet d’approfondir les relations avec les Familles du Quart-Monde, de relire et de réajuster ce qui est vécu avec elles.

La « galaxie des amis » :

La « galaxie » des amis regroupe tous les membres des groupes de prière qui ne sont pas du Quart-Monde, ceux qui font partie de la communion de prière, ceux qui rendent service à la Communauté, les jeunes animateurs, les artistes, les théologiens-chercheurs, ceux qui soutiennent financièrement la Communauté…

Leur présence peut être régulière, épisodique ou passagère. Ils ancrent le Sappel dans la réalité sociale, économique, politique, culturelle et religieuse.

Le Sappel a aussi des liens particuliers avec d’autres associations en lien avec l’Église :

  • « Siloé » rassemble trois associations issues de la spiritualité du p. Joseph Wrésinski : la Bonne Nouvelle Quart-Monde de Toulouse, la Pierre d’Angle et le Sappel.
  • Le « Réseau Saint Laurent » relie le Sappel à une centaine d’associations présentes dans divers diocèses de France. Ces divers groupes s’adressent à différents types de pauvreté et cheminent dans la foi avec des personnes en précarité.
  • « Parole et Geste » promeut la gestuation de la Parole de Dieu et crée de nouveaux récitatifs bibliques, fréquemment repris au Sappel.

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A partir d’eux, par eux et avec eux

Lors de notre pèlerinage à Rome (juillet 2016), notre frère le Pape François a clairement énoncé, dans son message aux pèlerins, le trésor que portent les plus pauvres : « Vous êtes venus en nous donnant, en me donnant Jésus lui-même ». Si nous voulons être fidèles à notre Seigneur, nous nous devons donc de discerner chez les plus pauvres « la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer » EG 198. Cela requiert un long travail de recueil de leur vie et de leurs paroles puis de relecture et de décryptage de leur pensée.

Ce travail sans cesse renouvelé de connaissance et de compréhension auquel la Communauté s’attelle et ce compagnonnage avec les très pauvres façonnent ses membres. Cette transformation intérieure et des rencontres régulières – individuelles ou en groupes – de personnes en situation d’exclusion sociale aident à penser et à mener la mission du Sappel « à partir » des plus pauvres.

Cependant, c’est toujours « par eux » que l’annonce de la Bonne Nouvelle se fait. En effet, seule la rencontre avec les très pauvres retourne les cœurs, rien ne peut la remplacer. « Jésus veut que nous touchions la misère humaine, la chair souffrante des autres. Il attend que nous renoncions à chercher ces abris personnels ou communautaires qui nous permettent de nous garder distants du cœur des drames humains, afin d’accepter vraiment d’entrer en contact avec l’existence concrète des autres et de connaître la force de la tendresse. » Pape François, homélie Ste Marthe, 9/01/2014.

Enfin, nous cherchons la juste place de chacun, communautaires, compagnons, amis et plus pauvres. Si nous sommes tous égaux sous le regard de Dieu, il n’en va pas de même dans notre monde créé. Un fossé nous sépare des personnes en grande exclusion sociale, des blessures très profondes les habitent. Nous ne pouvons pas avoir la même place dans la mission du Sappel, même si c’est une injustice déchirante.

Nous vivons donc la mission « avec eux », mais chacun à notre place. Ils ont une très grande force de louange et d’intercession, beaucoup sont des monastères invisibles, tous ou presque sont des martyrs blancs 1 et tous ensemble, ils sont icône du Christ.

Nous expérimentons qu’en les mettant au « centre du cheminement » (EG 198) du Sappel, ils sont réellement ferments d’unité et de réconciliation de tout le genre humain. Ils nous obligent à toujours nous adapter à celui qui est le plus en difficulté. Ils nous rappellent sans cesse que beaucoup manquent encore à l’appel et que notre fraternité est incomplète, n’étant qu’un signe du Royaume qui vient.

C’est cette Bonne Nouvelle en Jésus-Christ que nous voulons annoncer ensemble. Quand les plus pauvres contemplent Jésus sur son chemin de Croix, ils réagissent en disant : « lui au moins il peut nous comprendre. Nous aussi c’est tous les jours qu’on vit le chemin de Croix ». Ils affirment ainsi qu’un Messie crucifié, c’est une vraie Bonne Nouvelle pour les pauvres et donc pour toute l’humanité. Ils nous permettent alors de comprendre et d’annoncer ensemble ce que dit Jésus de lui-même à la synagogue de Nazareth : « Le Souffle du Seigneur est sur moi. Il a fait de moi un Messie pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la liberté et aux aveugles de nouveau la vue, pour envoyer les opprimés en liberté, pour proclamer une année d’accueil du Seigneur. (…) Aujourd’hui, cette Écriture est accomplie à vos oreilles ». Luc 14,18-19.21.

Note 1 : martyre blanc : Pour Pierre Claverie, se tenir aux pieds de la croix du Christ, unique attitude, témoin du temps bouleversé par Jésus de Nazareth, tel est ce qui donne force à ce que nous appelons le martyre blanc. « Où serait l’Église de Jésus-Christ si elle n’était pas d’abord là au pied de la Croix ? » s’exclame-t-il.
Quiconque veut être disciple de Jésus est donc amené, à son tour, à se situer sur des « lignes de fracture ». Car la croix, c’est l’écartèlement de celui qui ne choisit pas un côté ou un autre parce que, s’il est entré en humanité, ce n’est pas pour rejeter une partie de l’humanité. Alors, il est là et il va vers tout le monde. Il se met là et il essaie de tenir les deux bouts… Telle est bien la source du martyre blanc, témoignage du plus grand amour, celui de donner sa vie en faveur d’un autre, de tout autre. Assumer les difficultés de la vie, assumer les conséquences de ses engagements. (Véronique Margron : Martyre blanc et martyre rouge, proposition théologique, Topiques 20104/4 N°113 ).

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Prière du Sappel

Les membres du Sappel prient quotidiennement cette prière

Père,
tu veux rassembler
tous tes enfants
en un peuple de frères,
Béni sois-tu !
Par ton Esprit-Saint,
fais-nous rejoindre
sans cesse
les plus pauvres
et contempler avec eux
ton infinie miséricorde.
Par ton Fils Jésus-Christ,
Apprends-nous
A vivre la fraternité,
Signe du Royaume qui vient.
Amen et Merci.

Historique

La Communauté du Sappel tire son nom d’un domaine situé dans l’Ain, à Labalme sur Cerdon, entre Pont d’Ain et Nantua.

 Il se trouve sous le col du Sappel ( altitude 794 m ) entre Labalme sur Cerdon et Vieu d’Izenave ; petite vallée isolée dans les sapins.

Il appartenait au moyen age à des moines et au début du 20ème siècle fut acheté par une famille de Savoie : la famille de Castellanne. On raconte que le domaine s’étendait jusqu’aux lignes d’horizon autour du Sappel.

En1973, le Mouvement ATD Quart-Monde l’acheta pour en faire un centre de séjours pour des tout petits enfants du Quart-Monde.

En 1980, le Père Joseph Wrésinski, le fondateur voulut en faire un centre spirituel.

La Communauté du Sappel a été fondée en 1989 par deux couples, anciens volontaires du Mouvement ATD Quart-Monde pour répondre à la demande spirituelle des plus pauvres.